“L'Âme Sœur Existe!”

Un album, un film et plus d'un an de mariage: les succès s'enchainent pour celle qui reconnaît avoir été abusée lors de sa première union. A 39 ans, la chanteuse nous confie être au comble du bonheur. Interview exclusive à Londres.

Ciné-Télé-Revue (BE) November 20, 2009. Text by Sven Schumann.

“Vous savez que le nouvel album de Mariah est déjà numéro 1 du hit R'n'B aux Etats-Unis? Qu'elle sera à l'affiche de Precious, un film dont elle est très fière?” me rappelle l'attachée de presse américaine de la chanteuse, tout en courant à travers les couloirs de l'hôtel londonien où la diva reçoit.

Trois heures après l'horaire convenu, Mariah Carey peut enfin accorder son interview exclusive à la Belgique francophone. Fidèle à sa réputation, la star est en retard!

Dans le vestibule de sa suite, autant de sacs de shopping que d'assistantes. A travers la porte, des éclats de rire s'échappent, signe que la chanteuse est de bonne humeur. Et lorsque la journaliste allemande sort, c'est une Mariah tout sourire qui m'accueille. Mais ni cela ni son brushing parfait ou son maquillage impeccable ne masquent une fatigue intense. Ses yeux semblent si difficilement s'ouvrir qu'on cherche d'invisibles allumettes les empêchant de se clore. The show must go on! Peu importe les horaires éprouvants, le jet-lag et les enchaînements d'interviews. L'artiste est glamourissime comme à son habitude: tailleur noir, bottines à plateformes, le tout assorti d'un généreux décolleté, signature stylistique de la jeune femme.

Qu'il est loin le temps où l'on ne l'admirait que couverte de pulls à longues manches et col roulé! Depuis l'agression de Rihanna en février par son compagnon de l'époque, Chris Brown, Mariah témoigne de ce que peut entraîner la violence conjugale. Début novembre, elle confiait sur le plateau de l'animateur télé américain Larry King à quel point Tommy Mottola, son ex-mari et président de Sony Music, contrôlait sa vie tant au niveau privé que professionnel. Difficile de s'émanciper pour celle qui lui doit alors son premier contrat au sein de la prestigieuse maison de disques!

S'ensuit un divorce en 1997, une rupture de contrat d'avec Sony et une longue dépression. Mais aujourd'hui, Mariah en est revenue et savoure son bonheur à chaque minute. “J'ai eu la chance de rencontrer Nick Cannon, et je peux dire que l'âme sœur existe. On reconnaît cet amour à beaucoup d'éléments combinés. On rit tout le temps ensemble, on apprécie les mêmes plaisirs, on adore tous les deux la musique, et également créer. En fait, il y a tellement de choses qu'il est difficile d'expliquer notre amour.”

Puisque quelques phrases ne suffisent pas à dé finir sa reconnaissance, Mariah choisit d'axer son nouvel album, Memoirs of an imperfect Angel, sur ce thème. Car n'oublions pas que l'interprète à la voix d'or compose elle-même ses chansons.

“L'amour est une grande source d'inspiration, mais pas seulement! Surtout pour cet album. Parfois, des sentiments tels que la colère et le rire sont à l'origine d'un titre, comme ce fut le cas pour “Obsessed” A côté de ça, il v a des chansons d'amour, des chansons douces. Celle qui s'intitule “H.A.TE.U.” part d'émotions bouleversantes. Je pense que chacun de nous a déjà pu ressentir ce genre de choses quand on se dit: ‘Je t'aime mais j'aimerais tellement te détester’.”

Question colère, ça sent le vécu! Grâce à “Obsessed,” Mariah aurait trouvé la façon de régler ses comptes avec Eminem, qui se targue d'avoir eu, il y a quelques années, une liaison avec la star. Dans le clip, on la découvre d'ailleurs déguisée en homme, et la ressemblance avec le rappeur saute aux yeux. Lorsqu'on l'interroge à ce sujet, Mariah choisit la voie diplomatique. “Je n'ai jamais dit que cette chanson lui était adressée. Je ne sais pas pourquoi il parle de moi tout le temps, je ne comprends pas. Je préfère ne pas l'écouter. S'il fait entendre de meilleurs propos plus tard, je pourrai peut-être de nouveau lui prêter attention, mais maintenant, cela m'est impossible. Ma chanson s'adresse à tous et je suis vraiment reconnaissante qu'elle soit numéro 1.” Il faut dire que suite à la sortie du single “Obsessed,” le rappeur a répété qu'il ne laisserait pas la jeune femme tranquille, à moins qu'elle ne se taise.

Quoi qu'il en soit, ce conflit reposant sur des bases réelles ou non, tous les fans ont pu se réjouir de voir la diva jouer avec son image. Et ce n'est pas un coup isolé, puisque dans Precious, un film de Lee Daniels présenté à Cannes cette année, elle incarne une assistante sociale pas glamour pour un sou. Y découvre-t-on le vrai visage de la femme qui se cache derrière la star? “On ne peut pas dire que le maquillage était réduit au minimum, au contraire! En fait, on m'a nettoyé le visage et remaquillée avec du rouge sous les yeux et sur le nez. On m'a même ajouté de la moustache!” La performance d'actrice ne s'arrête d'ailleurs pas la. “Lee m'a dit que je devais changer ma démarche, parce que, manifestement, je marche toujours sur la pointe des pieds, même quand je ne porte pas mes talons de 9 centimètres! Il m'a ramenée au sol. Donc, toutes mes petites manières que les gens me connaissent ont été jetées par la fenêtre!”

Mais le jeu en vaut la chandelle et lui permet de combler ses manques. “Pour moi, jouer la comédie émane d'un désir d'exprimer un aspect différent de ma créativité. Ecrire des chansons et les interpréter, c'est une chose, mais le cinéma est un domaine que je suis reconnaissante d'expérimenter. Parce que je considère ceci comme une première.” Enterré donc, Glitter (2001) et son fiasco commercial? “A propos de ce film, très peu de gens savent qu'il est sorti en salle le 11 septembre 2001. Pouvait-il y avoir pire jour pour une sortie? Je ne le pense pas. Je crois même que très peu de personnes ont vu le film. Donc, oui, Glitter était une expérience, un apprentissage, mais je ne le referais pas même si on me payait!”

Sûr que le début des années 2000 ne fut pas des plus aisés pour Mariah… Après avoir débuté sa carrière en 1990 sur les chapeaux de roues, enchaînant les hits au sommet des charts, pulvérisant tous les records, parvenant à être l'artiste vendant le plus de disques entre 1990 et 2000, la diva n'est pas épargnée par les revers. Dépression, échec de Glitter et de son album Charmbracelet (2002) semblent la pousser vers la porte de sortie. Mais sa foi en Dieu et son amour de la musique lui permettent d'effectuer un retour triomphal en 2005 grâce à l'opus The emancipation of Mimi, pour lequel elle a travaillé avec les plus grands rappeurs américains.

D'ailleurs, les collaborations l'enthousiasment encore aujourd'hui et font partie de ses projets. Après Jay-Z, The Neptunes, Busta Rhymes, Snoop Dogg et une kyrielle de noms aussi connus, Mariah planifie d'autres rencontres. “Je suis si reconnaissante d'avoir pu travailler avec tant de personnes aussi douées… Je n'aurais jamais pu imaginer cela! Je prévois un album de remixes avec de nouveaux talents à qui je n'avais pas encore fait appel. Mais il y aura aussi des personnes plus ‘classiques’.”

Autre personne à qui Mariah doit sa signature musicale: sa mère, Patricia Hickey, chanteuse d'opéra d'origine irlandaise. “Ma mère a toujours cru en moi. Elle m'a toujours dit que je serais une star. Personne d'autre ne m'a donné cette foi en moi. La musique a été ma façon de m'échapper dans un monde différent.” Entre deux confidences, la chanteuse rappelle que ses premieres années furent loin d'être roses, ses parents divorçant lorsqu'elle avait 3 ans et la petite métisse subissant constamment des moqueries dans le quartier blanc où elle habitait. “Il y avait tout de même de bons moments. Si nous n'avions pas beaucoup d'argent, ma mère faisait tout son possible pour que la fête de Noël soit réussie. Un nouvel album de Noël est d'ailleurs bientôt prévu.”

Et la chanson, après presque vingt ans, on ne s'en lasse pas? “Bien sûr que non! J'éprouve toujours le même bonheur à utiliser ma voix, c'est un don de Dieu! Comme elle est fragile, je ne peux pas chanter à tue-tête n'importe quand.”

Le regard de Mariah brille, telles les illuminations de Noël qu'elle a inaugurées à Westfield (Londres). “Je peux vraiment dire que ces jours sont parmi les plus heureux de ma vie. Je ne peux pas me plaindre.”

La porte s'ouvre, voilà l'attachée de presse qui met un terme à cet entretien. Une petite photo à emporter dans l'album-souvenir? “Pas possible,” m'explique l'assistante devant le regard éploré de la diva. “Cela prendrait trop de temps, il faudrait que Mariah repasse par la salle de bains.” Pourtant, posant telle une déesse sur le canapé, sans un cheveu de travers, je ne vois réellement pas ce que Photoshop pourrait retoucher…