“Aucun Homme Ne Peut Me Demander De Tout Arrêter”

Recordwoman du Showbiz (elle a vendu 110 millions de disques), la star va enflammer Bercy après l'Allemagne et avant l'Angleterre. Une grande tournée européenne, lancée le jour de la Saint-Valentin. Car Mariah reste marquée par l'amour: rarement elle a parlé aussi franchement des bouleversements de sa vie.

Ciné-Télé-Revue Magazine
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Ciné-Télé-Revue (FR) February 24, 2000. Text by Dan Wigmore and Alain Houstraete-Morel.

Mariah Carey a un nouveau titre bien accroché à sa ceinture (quand elle en porte: régulièrement, elle apparaît avec un jean coupé de façon très étrange…). Il y a maintenant dix ans qu'elle réussit à classer au moins une des chansons de chacun de ses albums en tête du hit-parade américain. Seuls les Beatles et Elvis Presley ont fait aussi bien. Avec 110 millions de disques vendus a ce jour, celle qui fut découverte par Tommy Mottola (un vrai conte de fées: elle était serveuse lorsqu'elle réussit à attirer son attention) est en passe de devenir, à 29 ans, une légende de la chanson.

Son dernier single, “Heartbreaker,” tiré de son album Rainbow, a confirmé la séduction très particulière qu'elle exerce sur les foules. Mariah, dont la mère est irlandaise et le père, noir américain, chante l'amour avec un talent rare. Elle a l'art de joindre le geste a la parole, et chacune de ses sorties est un spectacle à elle seule. Mais aujourd'hui, c'est sur scène qu'elle fait un malheur: après Anvers et Cologne, et avant l'Angleterre, elle va enflammer Bercy ce 23 février. Parfaite dans tous les registres — la soul avec “Make it happen,” le rhythm 'n' blues avec “Crybaby,” les ballades avec “Against all odds,” elle stupéfie par une voix phénoménale. Et même quand elle ne chante pas, elle fait mouche. Voyez notre interview…

Depuis votre divorce d'avec Tommy Mottola, le patron de Sony, vous volez de vos propres ailes sans que rien ni personne ne puisse vous arrêter. N'avez-vous pas eu peur que cette séparation altère votre musique?
Ce divorce a affecté ma carrière au niveau de mes relations et je pense que ça continue en-core, mais il était in-dispensable. Cela m'a coûté cher de prendre du recul face à certaines situations, mais elles étaient malsaines pour moi. Tommy Mottola, mon ex-mari, était le patron de ma maison de disques et il me conseillait — parfaitement, d'ailleurs — pour tout. Aujourd'hui, je me sens assez adulte professionnellement pour décider toute seule. Mon dernier album, je l'assume complètement.

Pourquoi ce titre, Rainbow (arc-en-ciel)?
Je suis métisse, avec des origines diverses, et je suis sensible aux questions de couleur. J'ai eu envie, après mon précédent album, Butterfly, qui était le miroir de ma nouvelle vie de femme libre à la suite de mon divorce, de décrire en chansons toutes les couleurs, les races et les différentes cultures.

C'est un disque à message?
Il prône la paix dans le monde. Je rêve d'un univers serein où toutes les nationalités se tiendraient par la main. Cela dit, j'ai les pieds sur terre et j'ai conscience de la réalité.

Chanteriez-vous moins de chansons d'amour à présent?
Non! La paix, c'est de l'amour, non? Sur les quatorze titres de cet album, je ne chante que l'amour sous différentes formes. Je parle, par exemple, de passion dans “Heartbreaker,” le premier single, et de sexe dans “X-Girl.”

Vos clips vous montrent d'ailleurs de façon assez provocante…
Ce n'est pas de la provocation, cela a été comme un jeu pour moi de me montrer en petite tenue. Je dois être encore assez naïve, car je suis sincèrement étonnée de l'émoi que ces clips suscitent! (Rires.)

A 29 ans, vous ne pouvez pas être si innocente que cela…
Si. Je suis passée directement de l'adolescence au mariage et je n'ai connu aucun autre homme que mon ex-mari. Ce n'est que maintenant que je découvre la vie, et je n'ai pas envie de m'engager pour le moment. (Selon plusieurs indiscrétions, Mariah aurait rompu avec le crooner latino Luis Miguel.)

Vingt ans vous séparaient de Tommy Mottola. Conseilleriez-vous aux jeunes filles de ne pas se marier avec un homme plus âgé qu'elles?
Je ne sais pas. Si jamais j'ai des enfants, j'irai suivre une thérapie pour m'assurer que tout ce que j'entreprends est positif. Je ne veux pas faire quelque chose de mal. Je sais que personne ne peut être parfait, mais je tiens à créer l'environnement le plus équilibré possible. Un vieil acteur que je respecte énormément m'a dit un jour: “J'ai grandi normalement et je suis devenu une grande star très jeune. La gloire rend capricieux, vous n'êtes plus tout à fait comme les autres. Si on se retrouve seul, il faut entamer une thérapie, car on n'est plus assisté.” Alors, si je mets un bébé au monde, j'essaierai d'être à la hauteur, même si je pense qu'aucun enfant n'est pleinement satisfait de ses parents.

Ils vous détesteront probablement pour ça!
Oui, ils diront sûrement: “Pourquoi n'rais-tu pas te faire voir, maman?” (Rires.)

Quelle est la pire histoire que vous ayez entendue sur vous?
Maintenant que nous vivons à l'ère d'Internet, les gens n'arrêtent pas de diffuser des mensonges. L'autre jour, on a raconté une histoire à propos de Lauryn Hill et moi. Il paraît que nous devions enregistrer un titre ensemble (“Crystal Ball”), qui n'a jamais vu le jour parce que j'aurais quitté le studio à la suite d'une dispute avec elle. Bien sûr, tout ça est absolument faux. Il n'a jamais été question de former un duo et je ne sais pas où ils sont allés chercher ce nom de “Crystal Ball.” De même, on m'a opposée à Cameron Diaz. Elle aurait dit que j'étais bête comme chou. Les gens pensent parfois que je suis incapable d'aligner plus de deux mots. J'ai effectivement une image très lisse, qui ne reflète peutêtre pas mon vrai caractère. J'ai du tempérament, je suis une personne entière et droite, n'en déplaise à certains… Mais ce qui m'intéresse avant tout, c'est ma carrière. Moi, je ne recherche pas les problèmes ni les confusions.

Ces rumeurs peuvent-elles nuire a votre carrière?
Je ne crois pas. La preuve, et j'en remercie Dieu, c'est que je vends à l'heure actuelle plus de disques que jamais. Je suis vraiment heureuse. C'est pourquoi ces rumeurs n'ont aucune incidence sur ma carrière. Mes vrais fans savent distinguer le vrai du faux. Il devrait cependant exister une sorte de police sur Internet, de manière à ce que n'importe quoi ne soit pas diffusé.

Dans le clip de “Heartbreaker,” vous jouez deux personnages…
Oui, je fais du karaté et du kick-boxing. Dans la vidéo, mon petit ami me trompe avec une autre fille, Bianca, que j'incarne également. Elle fait très attention à elle, est très perfectionniste. A la base, elle est complètement l'antithèse de ma personne. C'était vraiment drôle de jouer les deux personnages. Pour les besoins du clip, nous avons collaboré avec Jackie Chan.

Avez-vous le temps de profiter de votre argent?
Lorsque les gents me posent cette question, je pense toujours à mon enfance. Nous n'étions pas fortunés. Mes parents ont divorcé quand j'avais 3 ans. (Son père était ingénieur en aéronautique. “Il est très technique et je suis tout le contraire!” ironise Mariah.) Ma mère et moi avons déménagé au moins douze fois quand j'étais plus jeune et nous devions quelquefois loger chez des amis. A l'âge de 17 ans, j'ai vécu toute seule dans une ville avec quelques dollars par semaine. Lorsque je repense à cette période et que les gens viennent me dire que je vends des millions de disques, je me dis que c'est à peine croyable. Je n'ai jamais imagine tout ça. J'ai toujours le sentiment que tout peut basculer demain, je n'ai jamais cette impression de sécurité, de stabilité, que peuvent ressentir certains artistes. Je ne suis pas comme ceux qui vont acheter cinq Rolls-Royce sous prétexte qu'ils gagnent de l'argent. J'ai juste fait l'acquisition d'un appartement. C'est amplement suffisant.

Combien devez-vous donner aux gens qui travaillent pour vous?
Lorsque j'ai commencé, je donnais 50% de ce que je touchais à mon producteur. Puis, on a diminué progressivement, jusqu'à 20% l'année dernière. C'est vrai que je gagne beaucoup d'argent. Si je devais convertir tout cela en monnaie réelle, ce serait énorme. Mais en même temps, ça n'ôte pas ce sentiment d'insécurité qui habite, par exemple, ceux qui n'ont pas eu la chance, enfants, d'avoir les mêmes privilèges que leurs copains. L'argent est quelque chose de bizarre.

A quel moment avez-vous senti que vous alliez devenir une star?
Il y en a eu plusieurs. Ma mère m'a beaucoup soutenue. Elle ne cessait de me répéter “Crois en toi!” Ma grande chance fut de rencontrer Tommy Mottola à une fête. Ce soir-là, il a eu la patience d'écouter une de mes cassettes. Je n'ai pratiquement rien vu de cette soirée, puisqu'on a négocié ma signature à ce moment-là. Inutile de vous dire que cette nuit restera gravée à jamais dans ma mémoire.

Vous reste-t-il encore des rêves, après avoir réalisé vos ambitions de chanteuse en si peu d'années?
Je voudrais aller jusqu'au bout de la connaissance de moi-même, fonder une famille et rendre aux autres tout l'amour que mes parents et ce métier m'ont donné. Je rêve aussi parfois d'être une femme normale et de pouvoir faire tranquillement du shopping sans être obligée d'avoir une dizaine de gardes du corps. C'est la rançon de la gloire.

Vous pourriez arrêter de chanter par amour?
Aucun homme ne peut me demander ça s'il m'aime et me connaît vraiment. En revanche, si la santé d'un enfant l'exigeait un jour, ce serait différent. Ma vie n'est pas de rester à la maison, mais d'être au milieu de la foule!