“Avec Les Hommes, J'Entretiens Des Rapports Un Peu Bizarres”

Pour fêter la sortie de son nouvel album (dont le titre “Heartbreaker” fait déjà un malheur), la star a rencontré notre reporter à New York. Un tête-à-tête pour le moins spécial: souriante, candide et sexy, la reine des hit-parades a l'art de recevoir dans l'intimité.

Ciné-Télé-Revue (FR) November 25, 1999. Text by Alain Housetraete-Morel.

Au sommet du Peninsula Hotel, à New York, un gigantesque cerbère garde la porte d'entrée. Le premier extrait, “Heartbreaker,” de son nouvel album, Rainbow, est déjà en tête des charts américains et, à l'extérieur, les fans de la belle sont très, très chauds. Muni de tous mes “pass,” j'ai le privilege d'un sourire du colosse et je me retrouve dans un somptueux salon où les attachés de presse se de Sony Music m'offrent simultanément rafraîchissement et projection du clip de la chanson. Après deux minutes de visionnage, c'est la star en personne qui entre dans la pièce pour me saluer. A peine maquillée, vêtue d'un pantalon survêtement taille basse et d'un petit haut blanc, elle sourit, candide et sexy à la fois, puis s'esquive. Un peu plus tard, lorsqu'on m'introduit dans sa chambre, je la retrouve au lit, blottie sous ses couvertures. “Entre la promotion de l'album, le tournage de mon deuxième clip et l'opération caritative qu'on organise avec McDo pour les enfants defavorisés, j'ai dû dormir cinq ou six heures en trois nuits. Je suis épuisée. Ne m'en veuillez pa, mais il fallait que je me repose!” murmure-t-elle, les lèvres à peine plus ouvertes que les yeux. Pris d'une audace soudaine je m'entends lui répondre: “Ne vous inquiétez pas, ne vous forcez pas à vous lever, j'ai une idée: si on faisait l'interview au lit? Ca serait très amusant. Je vous y rejoins, je pose le magnétophone sur l'oreiller et vous n'aurez aucun effort à faire.” La solution l'amuse. Je quitte mes res chaussures et, le cœur battant à tout rompre, j'ose soulever les draps afin de me glisser à ses côtes. Coup d'œil furtif pour constater — à la fois un peu déçu et rassuré — que Mariah a gardé haut blanc et pantalon de survêt. Puis débute une heure exquise et tellement insolite d'entretien franc, spontané, incroyablement chaleureux. In bed with Mariah Carey… En pensant à ce qui sera sûrement le titre de mon papier, je ne peux m'empêcher de chiffrer les quelques millions de types qui rêveraient d'être à ma place et de me dire que, décidément, ce métier a parfois du bon…

Le clip de votre dernière chanson est excellent. On vous y découvre un sens de l'humour qu'on ignorait.
Je l'ai pourtant toujours eu, mais c'est vrai que, jusqu'ici, personne ne m'avait incitée à le montrer!

On vous y découvre aussi un charmant petit tatouage sur l'épaule…
C'est un faux: cela me permet de changer de motif régulièrement. Je le pose toujours au même endroit. Je cache ainsi une petite cicatrice que je déteste!

Les images sont très sexy. “Allumer,” ça vous plaît?
On me dit souvent que ce que je fais ou montre est sexy. Je suppose donc que cela fait partie de moi. Mais, honnêtement, je ne calcule pas grand-chose. En matière d'“allumage,” comme vous dites, je me sens assez naïve et inexpérimentée.

Vous vous rendez quand même bien compte de votre impact, non?
Je sais que je fais devant les caméras des trucs que je n'ai jamais osés dans la vie. Je sais aussi que je porte des fringues que je n'aurais jamais pensé revêtir avant qu'on me persuade de mon statut de sex-symbol. Mais j'estime que je le fais avec suffisamment d'humour pour que les gens ne soient pas dupes!

Plus rigolote que femme fatale, alors?
Oh oui! A l'école, j'étais considérée comme le petit clown de la classe, et je suis quasiment passée directement du lycée à une vie conjugale très stricte. Alors, le côté “fatale,” c'est de la blague. En amour, j'estime que j'ai encore presque tout à découvrir.

Votre mariage avec Tommy Mottola, le patron de votre maison de disques, a fait couler beaucoup d'encre. En êtes-vous sortie blessée?
Je suis assez cynique par rapport au mariage. Mes parents ont divorcé lorsque j'avais 4 ans et je ne crois pas à la valeur de cette institution. J'étais très jeune quand j'ai dit oui à Tommy. Je pense qu'on a appris beaucoup l'un de l'autre, mais je me suis vite sentie un peu prisonnière. Si nous avions eu des enfants ensemble, je crois que j'aurais tout fait pour arranger les choses, mais là, j'ai eu l'impression de pouvoir tourner une page essentielle de ma vie.

Qu'est-ce qui vous rendait “prisonnière”?
C'est terrible d'avoir 18 ans et d'avoir signé à la fois un contrat de vie et un contrat de travail qui justifient qu'on vous réponde sans cesse “On s'occupe de tout!” Retrouver son pouvoir de décision sur ses choix artistiques comme d'existence, cela fait vraiment du bien.

Aujourd'hui, vous avez un nouveau petit copain?
Oui, mais je vis quand même en célibataire.

C'est-à-dire?
C'est-à-dire qu'on ne prétend pas s'engager sur des certitudes et qu'on garde une part de liberté. J'ai réellement du mal à croire au définitif et je préfère me dire: “Si l'on n'y arrive pas, tant pis!”

Il s'agit du chanteur Luis Miguel. Vous pouvez nous parler un peu de lui?
Non. Je ne veux pas trop parler de ma vie privée, cela abîme les choses. L'intimité du cœur se marie assez mal avec l'exposition dans les magazines!

Vous aviez un projet de duo avec lui?
Oui. On a même fait une maquette, mais nos tonalités de voix s'accordent mal. Du coup, j'ai préféré renoncer. Dommage, car j'avais spécialement écrit cette chanson pour nous deux.

Conjuguer son statut de star et une vie normale de femme, est-ce possible?
Quand je marche seule dans la rue, habillée n'importe comment, pas maquillée — bref, pas reconnaissable —, et que des garçons me sifflent, je me rends compte de ce que peut être une vie normale et ça me fait un peu envie. D'un autre côté, quand je suis sur scène avec une foule de gens qui me crient leur amour, je me dis qu'on peut dissiper toute forme de solitude grâce au succès.

Les hommes, ils vous abordent normalement?
Lorsque je suis Mariah Carey et plus une jeune femme anonyme, il y a forcément un truc bizarre. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai un peu peur d'eux et que je n'en connais pas beaucoup. Si vous êtes célèbre, riche et pas trop mal roulée, vous ne savez jamais ce qui intéresse vraiment ceux qui vous font la cour. Et les maladies, ça ne donne pas envie de terminer dans le lit de tout le monde! Je ne suis pas le genre de fille à aller d'un homme à l'autre. Je n'en ai d'ailleurs connu que trois dans ma vie. Je suis passée directement de l'adolescence au mariage. Ce n'est que maintenant que je découvre la vie. Ce n'est pas idéal pour la confiance en soi

Vous n'avez pas vraiment l'air d'en manquer…
Je ne suis pourtant pas quelqu'un de si fort que ça, et j'ai besoin d'avoir autour de moi des gens qui me ressemblent, c'est-à-dire qui savent protéger l'autre tout en respectant son indépendance.

Qui, par exemple?
La personne la plus formidable, c'est ma mère. C'est elle qui m'a fait devenir la femme et la chanteuse que je suis. Elle m'a encouragée. Elle est vraiment unique et multiple à la fois. Elle m'a offert une enfance peu conventionnelle, entourée de ses amis très excentriques. C'était une chanteuse d'opéra géniale et elle a sacrifié sa carrière à ses enfants. Dès que j'ai eu 4 ans, elle m'a appris la musique sans me forcer. Elle n'a jamais agi en mère manager, mais en complice. Je l'adore.

Aujourd'hui, vous vous apprêtez à fêter vos 30 ans?
Non, je vais de nouveau fêter mes 18 ans! (Rires.)

Vous allez faire quelque chose de special?
Je ne sais pas. Je vais fêter la vie en géneral. Avec le changement de millénaire, qui sait ce qui va se passer, si l'on va y survivre!

J'ai lu que vous aimeriez aller aux Caraïbes…
Je suis déjà allée à Nassau, à Saint-Barth et à Puerto Rico. J'aime les Caraïbes, mais j'adore la Méditerranée plus que tout. J'ai été élevée de façon à aimer des endroits comme Capri, et le fait de juste m'y trouver.

Vous y avez d'ailleurs enregistré votre album
C'est surprenant, non? Je nageais d'une grotte bleue à une grotte verte, puis je remontais vers le studio et je chantais. C'était trop top.

Il parait que vous le faites souvent.
J'adore l'eau et nager. Et j'aime l'eau chaude. Actuellement, elle est trop froide pour moi. Je n'aime pas avoir à me préoccuper des saisons. Je fais comme si je vivais dans un été éternel… sans me soucier des modes vestimentaires.

Vous n'êtes pas une fana de la mode?
Non. Je porte ce que j'ai envie, et si ça ne plaît pas aux gens, qu'ils regardent ailleurs, ou mangent, boivent ou dansent comme ils veulent!

Allez-vous, oui ou non, tourner le film de Chris Tucker Double-O-Soul?
Le responsable du projet chez Universal n'est plus là, alors cela rend Chris légèrement nerveux… Cela fait toujours partie des choses à venir, mais pas pour tout de suite. Et puis, pour le moment, je suis très occupée.

Vous avez acheté pour 21 millions de FB (!) le piano laqué blanc de Marilyn Monroe. Pour le mettre ici, entre votre collection de chaussures et votre cuisine super-équipée?
(Rires.) Je tenais à acquérir cet objet parce qu'il appartenait à la mère de Marilyn et que c'était le seul auquel elle accordait une valeur sentimentale, elle qui n'avait ni famille ni enfants. Cette fille me touche énormément. D'ailleurs, ce piano, je vais l'offrir à un musée.

Le destin tragique de votre idole ne vous effraie pas, vous qui êtes adulée comme elle dans le monde entier?
(Elle prend un air grave.) Disons que je porte en moi ce sentiment bizarre de la fatalité.

Au fait, on raconte que vous avez peur des ascenseurs…
Qui vous a dit ca?

Je l'ai lu aussi quelque part.
Je ne pensais pas qu'on pouvait trouver ça quelque part! C'est vrai que, parfois, j'ai peur. Je n'en ai pas totalement la phobie, mais il m'est arrivé d'y être bloquée. Au Japon, en Allemagne, un peu partout dans le monde.

Pendant longtemps?
Pas des heures. Mais bon, être bloquée dans un ascenseur, et à l'étranger… Sharon Stone s'est trouvée une fois dans un ascenseur qui a commencé à tomber. Les pompiers ne savaient pas quoi faire, et c'est son mari qui l'a sauvée.

Lisez-vous les e-mail de vos fans sur le célèbre site “A la rencontre de Mariah Carey”?
Oh oui! Il y a des fans qui me suivent à travers toute l'Europe et partout. Ensuite, ils m'écrivent et je les lis. Hier, justement, un ado qui a remarqué que je dis “mon agneau” à tout le monde m'en a dessiné deux, un rose et un bleu.

Pourquoi dites-vous “mon agneau”?
C'est comme “mon chéri.” Moi, c'est “mon agneau.” Ça vient d'un copain à moi qui dit toujours ça.

Et si vous me donniez un scoop sur vous?
Mais vous en avez un, avec cette histoire d'ascenseur. Je n'en avais jamais parlé avant! (Elle rit.)