Ce n'est pas rien d'être Mariah Carey: avec 80 millions de disques vendus dans le monde, cette métisse de parents divorcés qui fut mariée au patron de Sony incarne l'image extrêmement lisse du rêve américain. En interview Mariah Carey est comme une poupée en porcelaine qui donne l'impression de pouvoir se briser au moindre choc. Séparée depuis peu de son mari “Don” Tommy Mottola, son entourage est plus inquiet que jamais. Les journaux s'amusent à la marier avec les jeunes premiers du rap: Puffy, Q-Tip… “C'est très sexiste, tu ne peux pas être célibataire sans te faire un mec!”
Mariah a décidé de changer son image et sa musique, le tout en douceur. Pour son cinquième album Butterfly, elle a travaillé avec Trackmasters, Puffy, Jermaine Dupri, Da Brat, Bone Thugs-N-Harmony, Dru Hill et Missy Elliott. Un remix avec Mobb Deep en guest est en prévision. La reine des ballades au sirop gagnera-t-elle son emancipation grâce au rap? Autant lui demander.
Pourquoi avez-vous choisi des producteurs hip hop pour la musique de votre dernier album?
Parce que c'est quelque chose qui m'a toujours inspire. Pour moi, ce n'est pas tant une nouvelle direction (soupir), j'ai toujours été influencée par le r&b et je suis une grande fan de hip hop. J'ai dejà fait beaucoup de remixes avec des rappers et des producteurs hip hop mais le public moyen ne pouvait pas le savoir car il n'écoute pas les radios spécialisées ou ne va pas dans les clubs où passait le remix de “Fantasy” avec Ol' Dirty Bastard. Il connaissait juste la version qui passait sur les radios pop. Avec cet album, j'ai voulu faire la transition en douceur.
Travailler avec Puffy, Trackmasters, Missy Elliott, Bone, Dru Hill, Da Brat et Jermaine Dupri, c'est un peu un hommage?
Da Brat et Jermaine ont fait le remix de “Always Be My Baby.” Nous sommes de très bons amis, c'est presque naturel de travailler ensemble. Puffy et moi avons fait le remix de “Fantasy” qui a été un énorme succès, alors on s'est dit que nous allions remettre ça pour l'album. Stevie J, un de ses collaborateurs très talentueux, a produit “Breakdown.” Quant à Bone Thugs-N-Harmony qui participe à ce morceau — Krayzie Bone et Wishbone en l'occurrence —, j'ai tenu à leur présence sur l'album car j'ai été très influencée par leur style, leur façon de rimer, leurs mélodies quand ils chantent. C'est grâce aux Trackmasters que j'ai signe Allure sur mon label. Ils ont produit “The Roof” sur un sample du “Shook Ones” de Mobb Deep. J'en ai eu l'idée et ils en esaient surpris car dans le passé j'etais connue pour faire des disques grand public. Pourtant je suis une jan de hip hop depuis très longtemps, je savais que ce ne serait pas si dur d'en mettre dans ma musique… Pour la maison de disques, c'est un changement radical. C'est pourquoi ça m'a pris si longtemps de faire un album comme ça parce qu'ils me faisaient peur en me disant que si j'allais trop loin dans le r&b et le hip hop, la masse ne comprendrait pas.
Mais comme on a pu le voir, les choses ont changé grâce au succès de Puffy, les Fugees ou d'autres gens qui ont permis à cette musique d'être entendue par un public plus large. Sur ma première demo j'avais dejà des chansons plus urbaines mais ils n'ont jamais exploité ce cote la. Ils disaient: “Non, il n'y a pas vraiment la place pour ces chansons sur cet album.” Même dans le choix des singles on me poussait vers le très grand public.
ODB a coutume de dire qu'il a travaillé avec vous uniquement pour les dollars…
ODB dit qu'il ne pense qu'à l'argent. Ce n'est pas un manque de respect de sa part. Il a aussi dit que j'avais une voix mortelle. Il n'a pas dit “elle est nulle à chier et je le fais pour l'argent.” It a aussi dit: “J'aime bien son cul.” Il ne faut pas faire attention à tout ce qui sort de sa bouche, c'est lui, c'est un personnage. Il est venu à ma soirée pour Halloween. Il est marrant. Vous l'avez deja interviewé?
Oui. Est-ce qu'il a essaye de draguer toutes vos copines?
Croyez-le ou pas, il est très respectueux avec moi. Lors de la soirée il a commencé à partir dans cette direction mais je lui ai dit: “allez, j'arrête pas de dire a tout le monde combien tu me montres du respect, ne me fais pas mentir.”
On a l'impression que vous étiez opprimée avant, vous avez l'air plus sûre de vous…
Je ne dirais pas opprimée mais j'ai commencé très jeune. Je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche, j'ai toujours eu peur de l'insécurite. Chanter est mon rêve depuis toujours et j'étais impressionnée par ce que me disaient des gens qui avaient une position plus haute que la mienne. J'avais peur de ne pas réussir et si quelqu'un me disait “si tu le fais comme ça, tu ne vas pas y arriver,” je l'écoutais. Maintenant, je fais confiance à mon feeling.
Dans la vidéo de “Honey,” vous montrez même votre corps, vous faites des cascades, vous vous êtes entrainée?
Tout le monde se demande si j'ai travaillé pour ça mais j'ai toujours eu le même corps. Mon entourage était juste trop conservateur avec mon image. Mais encore une fois, je ne le renie pas. Cela m'a permis d'atteindre ce niveau de succès et c'est moi: je ne suis pas une trainée. je ne couche pas avec tout le monde… J'ai grandi autour de gens comme ça qui se sont retrouvés avec des bébés à quinze ans. Au fil des ans j'aurais pu me lâcher un peu plus mais tout le monde était parano: “ça marche pour l'instant, ne changeons rien.”
Est-ce que la séparation avec votre mari Tommy Mottola (ex-patron de Sony) vous a donné plus de liberté sur vos choix artistiques?
Heu, je pense que c'est le fait d'avoir grandi qui m'a permis d'avoir plus d'assurance et d'évaluer ce qui était le mieux pour moi et pour mon public. Je ne suis pas un conte de fée, je n'ai pas de bonne fée. En ce moment, je suis fière de pouvoir dire en face a quelqu'un “voilà ce que je fais” au lieu d'être effrayée de suivre mon instinct.
C'était trop de pression d'être mariée au patron de Sony?
Trop de pression? Ce sont des trucs personnels, c'est comme ça que les choses ont évolué. Je me sens bien a ma place aujourd'hui.